jeudi 30 octobre 2008

Manifeste progressiste pour la défense de la langue française

Georges Hage , député du Nord, doyen de l’Assemblée nationale, et Georges Gastaud , philosophe, auteur de la Lettre ouverte aux bons Français qui assassinent la France (Temps des cerises, 2005)

et 145 militants politiques et syndicaux, anciens résistants, écrivains, ouvriers et employés, artisans, étudiants, écrivains, enseignants, ingénieurs, chercheurs… appellent les travailleurs manuels et intellectuels, les étudiants et les démocrates à la résistance sociale, politique et… linguistique !

Défendons la langue française contre la langue, la pensée, la politique et l’économie uniques !

Si incroyable que cela paraisse, la langue de Molière et de Racine, de Descartes et de Pascal, de Diderot et de Rousseau, de Victor Hugo et de Rimbaud, de Proust et d’Aragon, de Jeanne d’Arc et de Louise Michel, de Prévert et de Brassens, de Lavoisier et de Langevin, de Piaget et de Lacan, d’Aimé Césaire et de Mouloud Feraoun, la langue dans laquelle furent écrits le Discours de la méthode et la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, la langue native de la Marseillaise et de L’Internationale, la langue française est en danger.

Non seulement elle est de plus en plus privée des moyens nécessaires à son rayonnement international, mais elle est assiégée en France, en Europe et dans nombre de pays francophones par des groupes politiques, économiques et idéologiques liés au grand patronat ; c’est que ainsi le Baron Seillière, l’ex-patron du MEDEF devenu président de l’UNICE (le syndicat patronal européen) a fait officiellement part à Bruxelles de sa décision de promouvoir l’anglais comme unique « langue des affaires et de l’entreprise » ; relayant ce choix patronal, des forces puissantes, qui ont la haute main sur la direction de l’UE, s’acharnent à faire de l’anglais la langue officielle unique de l’Europe des 30. En France même, cer-tains états-majors du CAC 40 communiquent en anglais « à l’interne »… en attendant de pouvoir imposer la chose à l’ensemble de leur personnel !

Le français est menacé par l’industrie américaine de la chanson et du spectacle qui impose ses normes unilingues jusque dans les titres jamais traduits des films made in Hollywood avec l’objectif d’unifier linguistiquement le marché mondial de la culture et d’en éliminer les productions non anglophones.

Le français est menacé par une bonne partie de la « France d’en haut », qui répudie la nation républicaine, déchire son « modèle social » et vomit tout ce qui évoque les luttes passées et présentes pour une République sociale, laïque et démocratique. Fascinée par ce que le monde anglo-saxon a de pire, cette « élite » méprise son peuple, coupable de garder au cœur l’héritage des Lumières et de la Révolution, de la Commune et du Front populaire, de la Résistance et de Mai 68 ; en adoration devant l’Europe supranationale et la mondialisation néo-libérale, ladite « élite » veut anéantir tout ce qui, de la langue nationale à l’histoire commune, permet aux travailleurs et aux citoyens de s’unir pour résister au néolibéralisme prédateur.

Le français est menacé par un Conseil constitutionnel qui autorise les transnationales à submerger le marché français de produits dont l’emballage et le mode d’emploi sont exclusivement rédigés en anglais.

Le français est menacé par un Conseil Supérieur de l’Audiovisuel complaisant, qui laisse les chaînes publiques et privées ignorer la création française et internationale non anglophone tout en multipliant les publicités en anglais destinées à la jeunesse.

Le français est menacé par la direction de l’Education nationale qui réduit les horaires de français, marginalise les langues anciennes et régionales et qui impose de fait l’anglais utilitaire comme unique langue étrangère première.

Le français est menacé par le snobisme de ceux qui cherchent à se placer au-dessus de leur peuple en faisant parade de ce qu’ils croient être de l’anglais et qui n’est en fait que du globish ou pire, du franglais, ce sabir qui ridiculise ceux qui l’emploient auprès des vrais anglophones. Le français est menacé par l’aliénation de nombreux consommateurs qui n’écoutent que de la chanson anglo-saxonne et qui ignorent tout ce qui se crée dans les parties non anglophones du monde.

Le français est menacé par des mouvements séparatistes qui prennent prétexte de la défense des langues régionales (lesquelles peuvent jouer un rôle, à côté du français, pour résister à l’uniformisation culturelle) pour promouvoir « l’Europe des régions » au détriment de la République une et indivisible.

Cette menace n’est pas seulement linguistique : elle est idéologique et politique puisqu’elle sape ces valeurs progressistes que sont la souveraineté des peuples, la liberté de pensée, la pluralité des cultures, l’attachement au progrès social, la coopération pacifique entre peuples égaux : ainsi, laisser assassiner le français, et avec lui la littérature, le théâtre, la philosophie, la chanson, le cinéma et la science d’expression française, c’est capituler devant l’idéologie insidieusement totalitaire de la mondialisation néo-libérale qui règne encore plus « naturellement » quand elle est portée « spontanément » par la prétendue « langue de l’avenir ».

Quand demain tous les jeunes Français ne baragouineront plus que le basic english à l’entreprise, quand ils ne répondront plus dans nos rues qu’en globish aux étrangers européens (auxquels on n’enseignera plus dans leurs pays que cet idiome en guise de langue étrangère), le français sera réduit au rôle de langue domestique ; l’heure aura sonné de son extinction ou de sa momification sous la forme d’une langue morte, dite « de culture », réservée à cette même « élite »… qui l’aura assassinée ! Que restera-t-il alors de la France et de l’idéal républicain qui l’inspire depuis deux siècles ? Quelle déchéance, quelles humiliations subira alors, cette majorité de Français et d’immigrés qui continueront à parler français en France, soit par choix, soit parce que leur situation sociale les exclura de tout accès au nouveau code mondialisé de la domination ?

Mais ce n’est pas seulement pour défendre le peuple de France et la francophonie, gravement menacée en Wallonie, en Suisse romande, au Québec, etc., qu’il faut que se développe un mouvement populaire de défense du français. Si le français, l’une des langues les plus « reconnues » au monde, est attaqué en France même, quelle autre langue n’est-elle pas en péril de mort, notamment dans le tiers-monde ? A travers le français, c’est le droit à la différence culturelle, politique et idéologique que met en cause mondialement une entreprise totalitaire qui menace l’humanité d’un appauvrissement sans précédent. D’ailleurs, la langue anglaise et ses prolongements américains périraient à leur tour si le français finissait par sombrer ; car le globish est moins une langue, porteuse d’histoire, de poésie, de sentiments, de pensée, d’expérience humaine en un mot, qu’un code commercial idéologiquement chargé dont le rôle insidieux est de normaliser le marché des idées.

C’est pourquoi nous appelons notre peuple et sa jeunesse à la résistance linguistique.

Cet appel s’adresse d’abord au monde du travail, car l’éviction programmée du français de la sphère économique prépare et accompagne le démontage de l’industrie nationale, des entreprises nationalisées et des conquêtes sociales. Notre appel s’adresse donc aux travailleurs salariés, à leurs organisations politiques et syndicales, dont certaines mènent déjà l’action collective contre les tentatives d’évincer la langue française de la communication interne des entreprises.

Le présent appel interpelle les jeunes, « précaires », chômeurs, étudiants, lycéens, qui ont montré leur capacité de résistance sociale et idéologique, mais qui restent la cible privilégiée des ennemis de notre héritage linguistique.

Le manifeste s’adresse aux agriculteurs, artisans, petits commerçants et membres des professions libérales dont la responsabilité est d’obliger les marques à respecter la clientèle francophone et à travers elle, l’existence même d’un marché national et local dont dépend l’existence même de la petite et moyenne entreprise.

Le manifeste interpelle également les intellectuels, enseignants, chercheurs, ingénieurs, créateurs, écrivains, journalistes, producteurs d’émissions audiovisuelles, qui ont la charge de transmettre notre héritage en l’ouvrant sur l’avenir. En particulier, nous demandons aux chercheurs de publier et de communiquer en français, a fortiori s’ils exercent leur métier en France, quitte à exiger de l’Etat qu’il fournisse les moyens nécessaires pour traduire et de diffuser, si nécessaire, les articles scientifiques en anglais.

Nous interpellons aussi les travailleurs immigrés qui nous font l’honneur de vivre en France, de parler français ou d’apprendre cette langue. Pas plus que nous n’opposons la défense du français à la langue anglaise en tant que telle, nous n’opposons le français aux langues arabe, berbère, swahili, wolof, etc. : certes, le français est, ou a pu être utilisé comme une arme de ségrégation par les colonisateurs et certains Etats néo-coloniaux ; par principe, nous soutenons donc tout effort visant à permettre aux peuples anciennement colonisés d’étudier, d’écrire et de créer dans leurs langues maternelles respectives ; nous ne sommes pas non plus hostiles aux efforts pour diffuser une langue internationale indépendante telle que l’espéranto. Mais d’abord, ce n’est pas la langue française qui est coupable de l’usage qu’en ont fait les colonisateurs ; et aujourd’hui, ce n’est pas le français, lui-même assiégé par l’anglo-américain, qui menace la diversité linguistique dans le tiers-monde ! Au contraire, il nous est insupportable que le « l’usage domestique » du français serve de critère au ministre de l’Intérieur pour chasser de France des familles africaines pauvres… alors que le pouvoir en place laisse les conseils d’administration de grandes sociétés françaises (et même de certains états-majors militaires !) se tenir en anglais sur notre sol !

Nous appelons aussi les citoyens étrangers épris d’humanisme à soutenir notre action ; cela concerne ceux qui pratiquent le français, ceux qui, sans parler français, veulent défendre une langue qui appartient au patrimoine de l’humanité, ceux qui voient dans la défense du français un rempart contre la langue mondiale unique.

Enfin, nous invitons les amoureux de l’Europe des échanges culturels à défendre le français sans confondre la « construction européenne », triste résultat des traités néo-libéraux et supranationaux, avec le projet universaliste initialement porté par l’« Europe des Lumières ».

Pour défendre le français, les signataires du présent manifeste constitueront un Collectif populaire de résistance linguistique ; il recensera, analysera et dénoncera les agressions politiques, économiques, publicitaires, médiatiques, contre la langue française (il ne s’agit pas de pointer les « fautes de français », la création verbale, les parlers régionaux ou argotiques… nous ne sommes pas des puristes !). Il proposera et promouvra des expressions françaises là où la domination commerciale des Etats-Unis impose des expressions américaines.

A partir de son objet propre, ce Collectif interviendra auprès des travailleurs en lutte contre les délocalisations et les dénationalisations... De même, dans l’esprit unitaire du 29 mai 2005 (date du référendum qui permit au peuple français de refuser la constitution européenne), ce Collectif interviendra de manière non politicienne dans les débats sociaux, politiques, culturels et sociétaux. Il soutiendra toute action visant à empêcher l’anglo-américain de s’ériger en langue unique « des affaires et de l’entreprise ». Il interpellera et au besoin, dénoncera, les décideurs politiques, économiques, médiatiques, qui « accompagnent » le déclin planifié du français.

De même, ce comité militera-t-il pour que la francophonie, d’outil néo-colonial qu’elle fut (et reste pour une part ?), devienne un outil international de résistance en alliance avec tous les peuples qui veulent défendre leur langue sans opprimer d’autres groupes linguistiques.

Le comité dénoncera les publicités en anglais, exigera que les titres des films américains soient, sauf cas particuliers, traduits en français ainsi que la dénomination et le mode d’emploi de tout produit importé ; il pourra appeler au boycott des marques et des magasins qui privilégient l’anglais dans leur intitulé ou leur communication en direction du public francophone.

Le comité exigera également que l’enseignement des langues étrangères, mais aussi, celui des langues régionales et des langues anciennes, soit élargi et diversifié à l’école, dans le Second degré et à l’Université.

Enfin, le comité militera pour que l’enseignement du français soit rétabli dans toute sa force, car la maîtrise par tous de la langue nationale est la clé de la citoyenneté.

Je soutiens ce MANIFESTE – à renvoyer à Georges Gastaud, 10 rue Grignard, 62300 Lens ou gastaudcrovisier2@wanadoo.fr

dimanche 14 septembre 2008

Qu'est-ce que l'Occitanie?

L'auteur de cet article est l'écrivain, aujourd'hui disparu, Henri Montaigu. Homme de tradition, passionné par l'histoire du Moyen-Âge et par l'épopée royale, admirateur de René Guénon et de Georges Bernanos, Montaigu, c'est une "idée certaine" de la France défendue dans un style incomparable. Le texte ci-dessous, extrait d'un bulletin devenu site Internet:"La place royale" analyse le fait occitan tel qu'il est et non tel que ses défenseurs actuels le pensent. Un texte de référence écrit par un fils d'Aquitaine. S. Chapus


On nous a longtemps raconté la belle - trop belle peut-être et fallacieuse à plus d'un titre - histoire du "Pré-Carré" patiemment aménagé par les Rois Capétiens, et devenu, au XXème siècle, sous le couvert des métamorphoses de l'image et de la politique cet "Hexagone" qui en marque la forme et l'unité définitives.

Eh bien, il est curieux de constater qu'au moment où on la définissait ainsi (il y a vingt ans) des mouvements divers se faisaient jour ici et là, ne visant à rien moins que la partition plus ou moins absolue, morale et culturelle d'abord, politique un jour peut-être, de la Patrie unique, et si chèrement acquise de tous les français.


Ces mouvements divers ont parfois des motivations saugrenues. Si nul ne peut nier que la Corse soit une île, si l'on ne trompe personne en affirmant que la Bretagne est différente et que le breton est une ancienne langue qu'il est important de sauver serait-ce in extremis, on ne voit pas trop sur quoi se fonde l'invention parfaitement arbitraire de "l'occitanie".


On peut certes accuser la dictature de Paris (mais Paris n'est-il pas notre sacrifice à l'universel, ne représente-t-il pas aussi le meilleur de nous-mêmes venu de partout, notre bien commun ?) de créer des particularismes de révolte fondés sur l'aménagement parfois tragique et toujours difficile du monde moderne. Les provinces - certaines provinces - secoueraient donc le joug de la lourde machine de l'État centralisateur, égalitaire et massifiant, qui est la "tradition" du Jacobinisme, lui-même héritier sur ce point de Colbert. Mais on ne combat pas un mal, d'ailleurs connu depuis vieux temps, par des méprises qui vont tout à la fois contre la naturelle évolution des choses - et contre la réalité historique, ethnique et géopolitique.


Ce mal, veut-on d'ailleurs le combattre ou créer à tout prix une situation de trouble et de mécontentement ? Quand on nous parle de "Douze siècles de résistance" à une prétendue "hégémonie française" et qu'on met bout à bout pour en faire un tout continu de révolution, toutes les révoltes - populaires, aristocratiques ou religieuses - toutes les hérésies, toutes les réclamations, toutes les grognes à l'impôt, la distorsion des faits est patente, et nul doute alors qu'on ne prétende aller bien au-delà des problèmes qui se posent ici et aujourd' hui. Ainsi peut-on créer, en falsifiant l'Histoire dans un but évident, des Bretagnes factices et de Fausses Occitanies. La modernité et la fortune récente de ce dernier terme sont d'ailleurs suspectes.


Parmi tous les prétextes historiques mis en valeur et artificiellement reconduits par une abondante littérature, le plus important est sans doute le drame cathare. La résurrection de cette doctrine, lugubre à bien des égards, porte en soi deux paradoxes. Elle est d'une part étrangère au Languedoc, n'y a rien créé, y a au contraire beaucoup détruit par son caractère hétérogène et suicidaire, son gnosticisme extériorisé en "pseudo-religion" de ce que l'Aquitaine et la Provence ont su sauvegarder. Car outre qu'elle est loin d'avoir recouvert tout le Sud, on oublie toujours que la "croisade", si atroce qu'elle nous paraisse, trouve une légitimité d'intention, sinon de fait, quand on s'avise que ceux qui ont combattu l'albigéisme entendaient lutter contre le génie même de la mort et de la destruction de tout ce qu'ils étaient, de tout ce à quoi ils tenaient et qui menaçait d'être englouti. Second paradoxe, qu'a-t-elle de commun, cette religion du silence, de la pureté et de la négation de la vie terrestre, avec la mentalité, les aspirations et les croyances du monde moderne ?


De quoi s'agit-il en outre ? De nous faire croire que le Nord (Français) a colonisé le Sud (Occitan) à la suite de la catastrophe du catharisme du XIIIème siècle. Mais il n'y a jamais eu de véritable frontière - linguistique ou autre - entre le Nord et le Sud. Et ce Sud lui-même n'est, contrairement à ce que prétendent les "occitanistes" qu'une mosaïque de pays variés aux destins divergents. Chacun sait, en ce qui concerne la langue que d'une part, c'est partout en France que pendant longtemps les élites religieuses parlaient et écrivaient le latin - jusqu'à ce qu'il soit remplacé par le français. Et que d'autre part, également dans tous les pays de France, les dialectes locaux (anciennes langues ou simple patois) continuaient d'exprimer dans l'immense marge populaire, en la reconduisant, une civilisation antérieure de caractère oral. Leur anéantissement, non encore définitif, date des cinquante ou vingt-cinq dernières années, et il est en rapport direct avec la mutation de la société en mode urbain et industriel. Il s'agit peut-être d'une "colonisation" - mais elle est d'un tout autre ordre. Quand on nous dit par exemple que le Midi de la France est devenu le "lave-cul" de la "civilisation industrielle", il faut s'entendre : si le soleil et la mer sont aujourd'hui des biens de consommation d'où découlent un enrichissement fallacieux et un enlaidissement du paysage, - si la société industrielle est une mauvaise chose, formidable machine d'esclavage, productrice de bruit et de laideur, anti-naturelle où l'homme ne retrouve ni sa mesure ni sa respiration, pourquoi ne pas le dire dans ces termes ? Si le modernisme est avilissant, il l'est partout. Il ne servirait à rien par conséquent de découper la France en morceaux. Le Midi n'est pas la seule victime : la province française qui a été le plus irrémédiablement saccagée par la civilisation industrielle et la centralisation excessive est justement l'Île de France. Là comme ailleurs, les gens qui avaient la terre n'ont pas su résister à l'illusoire tentation de l'argent. Mais n'ont-ils pas obéi à une nécessité plus grande qu'eux - qui n'est pas d'ordre politique - et qui n'est d'ordre ploutocratique qu'au second degré. Nous ne connaissons pas d'écologiste qui, après avoir fait le bilan de la détérioration culturelle et biologique où nous nous trouvons engagés, soit déterminé à renoncer aux avantages qui sont cependant à l'origine des inconvénients qu'ils dénoncent.


Qu'est-ce que l'Occitanie, en fait ? Il y a l'ensemble Aquitain : Guyenne, Gascogne, Périgord, Béarn, Quercy et Rouergue ; les deux provinces d'Oc du Centre : Limousin, Auvergne (et dans tous ces pays, il n'y a pas, ou peu, d'implantation cathare) ; le Languedoc proprement dit : les comtés de Toulouse et de Foix, le Roussillon, les Cévennes, le Velay ; l'ensemble provençal enfin: Valentinois, Orange, comtat Venaissin, Bas-Dauphiné, Provence, comté de Nice.


Toutes ces entités régionales, déjà fort différenciées sur le plan géographique, n'ont ni la même histoire, ni le même fond ethnique, ni tout à fait la même langue, ni par conséquent la même culture. L'Aquitaine, par exemple, aboutissement des chemins de Saint-Jacques, avait une vocation internationale et regardait forcément vers l'Espagne et le Portugal. Ouverte à l'Angleterre, aux Flandres, à la Russie par l'Atlantique et les ports de Bordeaux, elle était en outre en relation beaucoup plus étroite avec le Poitou où s'étaient établis ses grands ducs, avec le Maine et l'Anjou des Plantagenets, qu'avec le Roussillon des Rois de Majorque ou l'Avignon pontifical. La Provence elle-même, arrachée très tôt à la Gaule par la fondation du comptoir grec de Marseille, puis par la conquête romaine, gardera toujours, à travers les Croisades dont elle fut la porte et le commerce du Levant dont elle était la clef, une vocation méditerranéenne. En ce qui concerne le Limousin et l'Auvergne, ils ont au cours des âges accentué leur appartenance aux provinces du Centre plus qu'à celle du Sud. Des traditions particulières fortes, ainsi que le quasi-royaume constitué par la Maison de Bourbon et qui englobait la Marche, le Bourbonnais, le Beaujolais, le Forez, les Dombes et l'Auvergne ont définitivement situé cette dernière en dehors de l'ambiance méridionale. Quant au Languedoc, qui est aujourd'hui l'épicentre de l'agitation "occitane", il occupe dans le sud une position médiane et a toujours exercé une forte influence intellectuelle. C'est la patrie du "Gai-Savoir" mais aussi, celle des rhéteurs, des théoriciens, des légistes. Réuni par héritage à la Couronne dès 1271, son destin politique sera désormais tout français. Et ce soi-disant vaincu finira par imprégner de ses coutumes son soi-disant vainqueur. C'est en tous cas l'avis de Mme Régine Pernoud qui note : «Les provinces nouvellement acquises ne seront pas traitées en minorités et ne connaîtront ni persécution linguistique ni oppression d'aucune sorte. On leur laissera leurs coutumes, ce droit écrit qui finira par réagir sur le droit coutumier et tendre à transformer la monarchie féodale en monarchie absolue, pour préparer le triomphe du droit romain lors de la Révolution Française». Ce sont les Capitouls de Toulouse qui - acte symbolique entre tous - ont jugé et condamné Montmorency, chef de la dernière révolte féodale contre Richelieu.


Tous ces pays comme on le voit ont donc une histoire qui leur est propre. Ils ont des contours particuliers, des pierres différentes. Ils ont été formés, avec des fortunes diverses, non pour se dresser en de mesquins et orgueilleux flots, mais pour participer à une aventure plus exaltante et plus haute. Ils doivent à cette aventure d'être ce qu'ils sont. Faute d'assumer pleinement leur destin politique (est-ce le plus important ?) ils ont trouvé dans le Roi fédérateur, et ensuite dans la République "une et indivisible", une protection contre les intrigues européennes, les ambitions de l'Empire ou de la Grande-Bretagne, et toute capacité d'être dans une liberté qui n'est jamais nulle part totale, mais qui était suffisante, si l'on en croit leur production d'hommes, d'oeuvres, de monuments.


En définitive, renoncer à la France "hexagonale", ce serait renoncer du même coup à la Gascogne et au Béarn - au Languedoc - au Limousin - à la Provence ; cela, au bénéfice de quelque organisation forcément détestable puisqu'elle serait sans unité, sans mandat, sans histoire - et sans nécessité. "L'Occitanie libre" est donc un rêve monstrueux, car il ne se fonde sur rien que de négatif. C'est un rêve contre la France qui utilise le folklore et la nostalgie au même titre que les bévues de l'État (Larzac, problèmes viticoles, etc. ). Le folklore est aujourd'hui livresque et la nostalgie forcément utopique. S'il est difficile de refaire ce qui a été défait, il est impossible de refaire ce qui n'a jamais existé.


Pour les penseurs modernes de "l'Occitanie" tout se passe exactement comme si la France n'était elle-même qu'une création artificielle qui se serait faite après quelque guerre de sécession au seul bénéfice du Nord. C'est oublier que la France de l'Unité précède la France de la division et celle du "Pré-Carré". La Gaule, qui avait à peu près les limites de la France actuelle, était, malgré son apparente diversité, un tissu sans couture, comme le prouve l'union de tous ses peuples autour de Vercingétorix. Le dernier bastion de résistance des Gaules, Uxellodunum, se trouve justement dans l'actuel Quercy. En devenant romaine, la Gaule, loin de perdre cette unité la renforce au contraire. On n'observe en tous cas aucune division "Nord-Sud" dans le découpage administratif créé par l'Empire. Aussi, les occitanistes se gardent de remonter plus haut que l'éphémère royaume Wisigothique - qui d'ailleurs, s'il allait de la Loire aux Colonnes d'Hercule, laissait la plus grosse part de "l'Occitanie" de l'Est au Royaume Burgonde.
Pour que les leçons de l'Histoire soient fructueuses, ne faut-il pas envisager toute l'Histoire ? Mais que ces commentaires rébarbatifs ne nous empêchent pas de sourire. Il est un mot plaisant de Henry IV aux Béarnais : "C'est par le Béarn que le Royaume de France fut annexé à la Gascogne". Jolie gasconnade qui pourrait être de toutes les provinces. Chaque partie est aussi importante que le tout. Sans elle, que serait-il? Sans lui, que serait-elle ? Le rôle joué par chacune pèse d'un poids fabuleux sur l'ensemble - et pas seulement au point de vue historique et géographique. La Bretagne, c'est, plus encore que Du Guesclin, les Guerres de l'Ouest ou Chateaubriand, l'inaltérable et précieuse réserve du "génie celte", qui est une de nos sources, et dont il importe de ne pas laisser tarir en nous l'influence. Dans la perspective humaine comme dans la réalité spirituelle, la France est un tout dont on ne saurait rien dissocier, - en fait ou en songe - sans gravement frustrer tout à la fois la patrie et l'ensemble. Imagine-t-on la France sans Henry IV et sans Montaigne ? Comment les pays d'Oc se passeraient-ils à présent de Molière, de Balzac et de Rabelais ? Lorsque chaque province a retrouvé l'antique union, cela a été une victoire pour elle et pour la France, un mutuel enrichissement. Le mariage alors contracté est indissoluble comme le prouve le drame national, si cruellement ressenti partout, que fut la perte de l'Alsace-Lorraine entre 1870 et 1914. Mais si "l'Occitanie" n'existe pas, il existe par contre un "génie d'Oc", commun aux trois grands ensembles méridionaux, l'Aquitaine, le Languedoc, la Provence. Qu'est-ce ? Ce n'est pas l'Histoire, ce n'est pas le brassage ethnique, si différent ici et là. Ce n'est pas non plus la langue. Que de variations d'accent, de nuances, de vocabulaire, d'une province à l'autre. Le gascon diffère du provençal, celui-ci du languedocien et du limousin. Ils ont donné lieu à des littératures, orales ou écrites qu'il ne convient pas de mélanger. Les efforts anciens ou récents d'unification du parler d'Oc aboutissent à une manière de sabir universitaire, trop systématique pour être fécond, et qui manque tout à la fois de souplesse et de force, de naturel et de densité. Ce n'est plus une langue maternelle, mais une langue purifiée - et donc stérile - qui sera peut-être écrite (avec la traduction en regard !) mais qui court le risque de n'être plus parlée. En fait, ce qui est commun à tous ces pays, une certaine façon de vivre, de rire et de penser, - une humeur et des songes - un climat, des paysages, des mythes, c'est justement ce qui ne peut et ne doit pas être défini - dont la mise en valeur culturelle est dangereuse car on tue ce que l'on définit froidement, et dont la mise en théorème politique serait éminemment néfaste. Les différences alors s'accuseraient jusqu'à créer de féroces divisions car, comme le remarquait déjà Michelet : «Le fort et dur génie du Languedoc n'a pas été assez distingué de la légèreté spirituelle de la Guyenne et de la pétulance emportée de la Provence. Il y a pourtant entre le Languedoc et la Guyenne la même différence qu'entre les Montagnards et les Girondins, entre Fabre et Barnave, entre le vin fumeux de Lunel et le vin de Bordeaux. La conviction est forte, intolérante en Languedoc, souvent atroce, et l'incrédulité aussi. La Guyenne au contraire, le pays de Montaigne et de Montesquieu, est celui des croyances flottantes... Le génie provençal aurait plus d'analogie, sous quelque rapport, avec le génie gascon qu'avec le languedocien. Il arrive souvent que les peuples d'une même zone soient alternés... etc. » (cf. Tableau de la France). C'est aux gens des pays d'Oc eux-mêmes à retrouver leurs sources et leurs racines. Nous doutons cependant qu'ils parviennent à cultiver ce qu'il peut y avoir de fructueux dans les particularismes lorsque ceux-ci se trouvent en quelque sorte confisqués par des revendications politiques et qu'ils se meuvent dans une ambiance de subversion. Quant à la langue, on peut également douter qu'elle redevienne universelle et vivante par le canal universitaire qu'on leur propose. Le génie d'Oc est essentiellement de caractère oral. L'éloquence populaire ne s'apprend pas à l'école : elle se transmet à la maison, engendrant ainsi toutes sortes de créations précieuses qui sont Poésie, et qui font qu'un pays reste vif par la conscience intérieure d'être. La conscience extérieure n'aboutit qu'à des théories desséchantes et à des utopies de politique-fiction qui ne s'incarnent pas dans la terre, et qui sont sans passé comme sans avenir.

Henry Montaigu


Pour rejoindre le site consacré à Henri Montaigu: "La place royale", cliquez sur le lien ci-dessous:


http://www.geocities.com/Paris/7265/montaigu.html

samedi 23 août 2008

Conférence des peuples de langue française

Profitant des célébrations entourant le 400e anniversaire de Québec, le Comité exécutif du Mouvement National des Québécoises et Québécois a organisé les traditionnelles assises de la Conférence des peuples de langue française, une des plus anciennes ONG de la Francophonie, au Manoir Saint-Castin du lac Beauport, les 14, 15 et 16 août 2008. Cette rencontre a succédée aux précédentes assises CPLF organisées par le MNQ, celles de Trois-Rivières en 1985, de Rimouski en 1991 et de Jonquière en 1997.

Résolutions générales de la XVIIème Conférence des peuples de langue française

1. Résolution concernant le mouvement souverainiste québécois
Considérant que :
le Québec est une nation dont la reconnaissance demeure artificielle au sein de la fédération canadienne ; le Québec doit prendre sa place d’égal à égal avec les autres nations dans la communauté internationale ; le mouvement souverainiste québécois incarne historiquement l’aspiration à une pleine existence nationale francophone en Amérique ;
La XVIIe Conférence des peuples de langue française :
réitère son appui au mouvement souverainiste québécois et l’encourage à poursuivre sa lutte pour un État souverain, de langue et de culture francophones en Amérique.

2. Reconnaissance, respect et usage du français aux Jeux Olympiques
Considérant :
l’importance des jeux olympiques dans le développement d’un sentiment de fraternité à l’échelle mondiale ; qu’il ne saurait y avoir d’épanouissement de l’esprit olympique sous une hégémonie de la langue anglaise ou de l’exclusivité de toute autre langue ; le rôle historiquement reconnu à la langue française dans la renaissance et le développement de l’olympisme dans sa forme contemporaine ; que l’usage du français aux Jeux Olympiques demeure, trop souvent, confiné au protocole et à l’étiquette, alors qu’à l’usage réel il n’est plus que langue seconde, voir même tierce ;
La XVIIe Conférence des peuples de langue française :
rappelle aux autorités olympiques que la langue française dispose d’un statut égal à l’anglais dans leur organisation et qu’elles doivent conséquemment user de tous les moyens nécessaires pour en assurer la reconnaissance, le respect et l’usage.

3. Favoriser les échanges étudiants entre sociétés francophones
Considérant :
l’importance jouée par les échanges étudiants à tous les niveaux dans le développement d’une solidarité réelle entre les peuples, comme en témoigne la réalité de tels échanges entre les sociétés européennes ; que les offices de coopération et d’échanges, notamment l’Office Québec-Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse et l’Office Franco-Québécois pour la jeunesse, sont des vecteurs importants de la solidarité au sein de l’espace francophone ; le nécessaire développement d’une solidarité durable entre les sociétés francophones ;
La XVIIe Conférence des peuples de langue française :
invite les différentes autorités compétentes à développer davantage de programmes d’échanges entre les étudiants des sociétés francophones.

4. Résolution concernant TV5
Considérant :
l’importance des liens entre les peuples francophones et le rôle vital de l’information et des communications pour accroître le développement d’une conscience francophone mondialisée ; le rôle joué par TV5 dans la diffusion de la culture francophone et par conséquent, de la formation jusqu’à présent d’un sentiment de solidarité entre les peuples francophones ;
La XVIIe Conférence des peuples de langue française :
rappelle aux autorités pertinentes la nécessité de la présence, du maintien et du développement de TV5 dans toutes les sociétés de la francophonie.

5. Résolution appelant au refus du bilinguisme lors du Sommet de la francophonie
Considérant que :
l’Organisation internationale de la francophonie a entre autres pour mission de renforcer le français comme langue de communication internationale, d’enseignement et de support à un dynamisme intellectuel, scientifique et culturel ; le prochain Sommet de la francophonie se tiendra dans la ville de Québec, berceau de l’Amérique francophone, du 17 au 19 octobre 2008 ; le gouvernement du Canada a soumis le financement de ce sommet au respect des règles linguistiques bilingues définies par la loi sur les langues officielles du Canada ;

La XVIIe Conférence des peuples de langue française :
demande de garantir le caractère francophone de ce sommet et de ne pas imposer une quelconque forme de bilinguisme, dans l’une ou l’autre des facettes de son organisation.

Cliquer sur le titre de cet article pour accéder au site de la Conférence des peuples de langue française.

dimanche 17 août 2008

Langues régionales : l'arrière- plan d'une cause «sympa»


François Taillandier, écrivain, tribune parue dans Le Figaro, mardi 24 juin 2008
François Taillandier, écrivain, auteur d'«Une autre langue» s'interroge sur cette tentation d'accorder un statut constitutionnel aux langues régionales. Il prône au contraire un encouragement de la francophonie.


Langues régionales : l'arrière- plan d'une cause «sympa»
On peut espérer que le vote des députés visant à entériner dans la Constitution l'existence des langues régionales sera une affaire enterrée après le refus du Sénat. Provisoirement du moins, et c'est pourquoi il faut y revenir : car les pressions exercées en ce sens ne cesseront pas, et le comportement de nos élus en cette affaire a donné une pénible impression d'irresponsabilité, pour ne pas prononcer un mot plus grave. Tout s'est passé comme si, en évitant soigneusement de préciser à quoi l'on s'engage, on s'était à la fois dédouané et donné les coudées franches, au moyen d'une formule apparemment innocente, mais qui tient de la boîte de Pandore ou de la bombe à retardement.

Un sondage, réalisé pour Ouest-France, révèle que 68 % des Français sont favorables à la reconnaissance constitutionnelle des langues régionales. On voit bien comment joue ici le caractère «sympa» d'une telle mesure, toute revendication minoritaire étant désormais affectée a priori d'un coefficient de légitimité irréfragable. On voit aussi comment la cause est entendue avant d'être étudiée. Le Sénat et l'Académie, avec la complicité souriante du média qui en rend compte, sont présentés comme des «assemblées de Gérontes». La stigmatisation âgiste, gentiment odieuse, sert opportunément à ne pas examiner leurs arguments.

Nos 68 % de compatriotes (dont il est évident que pas un sur cent ne pratique une desdites langues) ne se demandent pas pourquoi ils jugent si progressiste et novatrice cette reviviscence des pittoresques disparités de l'Ancien Régime, qu'ils honnissent tant par ailleurs, voire des rêves pastoraux du Maréchal. Ils ne se demandent pas de quelles revendications futures elle est porteuse, ni quelles conséquences pourrait avoir une officialisation des langues régionales dans le fonctionnement de l'administration et de la justice. Ni (comme l'a souligné le sénateur J.-L. Mélenchon) quelles autres «reconnaissances» de toutes sortes d'identitarismes et de communautarismes s'en autoriseront.

Ils ne se demandent pas non plus ce qui se profile derrière cette revendication. On ne peut pas leur en vouloir, mais on a le droit de dire qu'ils sont mal informés. Or l'information existe. Dans un essai intitulé «La Bataille des langues en Europe» (Bartillat, 2001), Yvonne Bollmann a décrit une politique ethniciste, qui remplace la citoyenneté par l'héritage de la terre et du sang. Il faut savoir que les idéologues de cette tendance font leurs comptes (tant de Basques, tant d'Auvergnats…) et n'hésitent pas à mettre les juifs à part.

Je n'ignore pas qu'il existe de sincères défenseurs de langues que la modernité (et pas seulement en France) voue à mourir. Il est tout à fait nécessaire d'aider ceux qui veulent les conserver, les étudier, et surtout créer dans ces langues, faute de quoi elles ne seraient qu'objets de musée.

Oui, il faut des associations, des bibliothèques, des programmes universitaires. Il faut l'exercice concret de libertés. Pas des principes abstraits. Donnera-t-on demain au basque, au catalan, au breton ces heures d'enseignement, ces postes que l'on s'obstine à retirer au latin et au grec deux langues anciennes qui constituent le socle historique et culturel de la maison Europe ? Faut-il constitutionnaliser le grec et le latin ? Si l'on veut aller par là, ils le mériteraient bien autant.

Singulier paradoxe d'une opinion autoproclamée progressiste qui ne cesse de flétrir le repli et le chauvinisme et veut à tout prix nous inclure dans des micro-identités ! Si nos élus veulent mener une politique linguistique à la hauteur des enjeux du temps, donnons-leur de meilleures idées. Une France qui voudrait se relier au monde commencerait par renforcer les liens de la francophonie. M. Hervé Bourges a récemment fait à ce sujet des propositions qu'il faudrait approfondir, discuter, utiliser. Ensuite, elle mènerait une vigoureuse promotion des langues étrangères. Tout jeune Français devrait apprendre une des langues de l'Union, ainsi qu'une des grandes langues véhiculaires (l'espagnol, l'anglais). La France du XXIe siècle aura également un besoin vital de gens qui parlent, par exemple, le chinois ou l'arabe.

Nous avons la chance immense d'avoir ici des immigrés provenant de ces langues, ô combien porteuses d'histoire, de culture et d'actualité. Leur proposer une intégration linguistique efficace devrait aller de pair avec la reconnaissance de la richesse qu'ils détiennent. Pour cela, nous avons besoin d'une langue française s'affirmant sans complexe, c'est-à-dire sans mépris ni ressentiment. Allons, Messieurs les parlementaires, vous avez du travail !

François Taillandier, écrivain, tribune parue dans Le Figaro, mardi 24 juin 2008

http://www.communautarisme.net/Langues-regionales-l-arriere-plan-d-une-cause-sympa-_a1020.html?PHPSESSID=d422abf3cbdae7451de1aef808048590

Langues régionales et identité nationale

" Les sénateurs viennent de repousser l'amendement - voté le 22 mai à la quasi-unanimité à l'Assemblée nationale – qui, à l'initiative du député UMP des Ardennes, Jean-Luc Warsmann, inscrit dans l'article premier de la Constitution, la protection des langues régionales au titre de patrimoine national. Ce rejet suscite l'ire des partisans de cet amendement qui dénoncent le « jacobinisme » de la Haute Assemblée et son mépris pour la diversité culturelle de notre pays qui ne saurait, pour reprendre les paroles du député communiste P. Braouezec, se confondre avec « l'uniformité ».

Quels sont les véritables enjeux de cet amendement ?

S'agit-il, comme l'on veut nous le faire croire, de défendre un patrimoine culturel menacé ? Certainement pas.
Dans la filiation d'un arrêté vichyste du 12 décembre 1941, qui autorisait l'enseignement facultatif des « parlers locaux » dans les écoles primaires, puis de la loi Deixonne du 11 janvier 1951, de la Circulaire Savary du 21 juin 1982 et de la loi du 10 juillet 1989, mise en oeuvre par Lionel Jospin, une circulaire du ministre de l'Éducation nationale, François Bayrou, en date du 7 avril 1995, inscrit la généralisation de la découverte de la langue et de la culture régionale au programme d'enseignement de chaque classe.

Depuis cette directive, l'occitan-langue d'oc, le breton, le basque, le créole, le catalan, le corse, le gallo, les langues régionales d'Alsace, les langues régionales des pays mosellans, les langues mélanésiennes (drehu, nengone, païci, aïje) et le tahitien bénéficient, dans la zone où ces langues sont – ou ont été - en usage, de la possibilité d'être enseignées à l'école, au collège et au lycée, dans le cadre des enseignements facultatifs ou obligatoires.

Au cours de l'année scolaire 2001-2002, 252 858 élèves, tous niveaux confondus, ont suivi un enseignement de ce type. Ils étaient 404 351 en 2007-2008, soit une hausse de 60 %. Ainsi, non seulement ces langues ne paraissent pas menacées, mais encore, contrairement à ce qu'on veut faire croire, la République a mis en place un dispositif d'enseignement leur donnant une vigueur nouvelle.

S'il faut s'inquiéter pour l'avenir des langues en péril, constitutives de notre patrimoine national, c'est bien l'enseignement du grec ancien et du latin qui devrait retenir l'attention des députés et des Pouvoirs publics ! seulement 35 464 élèves (moins de 2 %) apprennent le grec et 83 530 le latin, et ces chiffres ne cessent, d'une année sur l'autre, de régresser. Qui pourrait, cependant, contester que ces deux langues et ces deux cultures constituent des socles historiques et patrimoniaux de notre identité nationale ?

L'autre langue, aujourd'hui menacée, c'est le français. Pas seulement dans le monde du fait de la prépondérance de l'anglo-américain. Mais en France même, où l'analphabétisme et l'illettrisme gagnent chaque jour du terrain. Comment lutter contre ces fléaux, facteur essentiel d'exclusion sociale, sans rendre au français une part prépondérante dans l'enseignement primaire et secondaire. Les réformes engagées par le ministre de l'Éducation nationale, Xavier Darcos, vont dans ce sens. Mais il faut aller plus vite et plus loin : en 1976, un élève qui sortait du collège avait bénéficié, depuis sa rentrée au cours préparatoire, de 2 800 heures d'enseignement du français. En 2004, avec seulement 2 000 heures, il entrait au lycée avec la formation d'un élève de cinquième.

Si la disparition des langues régionales n'est pas à l'ordre du jour, et personne ne le souhaite, pourquoi certains tiennent-ils tant à les inscrire dans l'article premier de la Constitution ?

En réalité, derrière cet amendement, présenté de manière anodine se cache un autre projet. C'est d'ailleurs ce que confirment certains parlementaires, favorables à l'amendement. Ainsi, pour Victorin Lunel, secrétaire national à l'outre-mer du PS, « après la reconnaissance des langues régionales dans le marbre de la loi fondamentale, le prochain combat doit être celui conduisant à une véritable politique de valorisation de celles-ci. » Pour François Bayrou, cette inscription constitue un « pas en avant important ».

Vers quoi ? La réponse est évidente : vers la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires adoptée par le Conseil de l'Europe en 1992 et signée par le gouvernement Jospin, le 7 mai 1999.

Or, cette Charte, au nom de la protection des langues est porteuse d'une véritable contre-révolution : elle tend, ni plus ni moins, à réduire les citoyens, jusque-là individus libres et égaux, en éléments de groupes ethniques au sein d'une Europe des régions. Ce qui est en jeu, c'est donc, au-delà de l'alibi culturel évoqué, le maintien ou la disparition, à terme, de l'État-nation, incarnation de notre identité nationale.

Le Conseil constitutionnel ne s'y est d'ailleurs pas trompé. Saisi le 20 mai suivant, par le président de la République, Jacques Chirac, il a en effet estimé que de nombreuses dispositions de la Charte étaient contraires à la Constitution. Et c'est bien pour contourner cet obstacle que les députés entendent modifier la loi fondamentale, afin d'ouvrir irrémédiablement la porte à la ratification. Maryse Lebranchu, ancienne garde des Sceaux de L. Jospin, n'en fait d'ailleurs pas mystère. Elle « ne voit pas comment le Conseil constitutionnel pourrait s'opposer à la ratification » de la Charte dès lors que la Constitution reconnaîtrait les langues régionales comme éléments du patrimoine national.

Certes, pour faire passer la pilule aux Français, auxquels on prend soin de masquer les véritables enjeux du débat, des propos rassurants sont tenus. Ainsi, le constitutionnaliste Guy Carcassonne, ancien conseiller de Michel Rocard à Matignon au temps de l'adoption du statu de la Corse, et partisan de longue date de la ratification, présente la Charte comme une sorte de libre-service qui n'engagerait à rien, puisque chaque État aurait la faculté de choisir les alinéas qu'il entend mettre en œuvre, sans aucune obligation de choisir les plus contraignant. Ainsi, nul justiciable ne pourrait donc exiger un procès dans sa langue régionale ou minoritaire, ni s'adresser à l'administration dans cette langue.

Cette analyse lénifiante ne peut cependant pas être retenue. Certes, l'article 21 de la Charte autorise « Tout Etat […], au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification [… à] formuler une ou plusieurs réserve(s) aux paragraphes 2 à 5 de l'article 7 de la présente Charte. » Mais « aucune autre réserve n'est admise ».

Or, le paragraphe 1 de cet article 7, (alinéa « d ») mentionne explicitement que la ratification impose que soit facilité et/ou encouragé « l'usage oral et écrit des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique et dans la vie privée », disposition explicitement reprise de l'alinéa 3 du préambule.

À quoi se rapporte l'expression « vie publique » ? Est-ce, comme l'on feint de nous le faire croire, aux relations ordinaires, celles de tous les jours, de simple voisinage comme chacun en entretient ? Pas du tout. Le « Rapport explicatif » de la Charte [paragraphe 62], rédigé par le « Comité ad hoc d'experts sur les langues régionales ou minoritaires en Europe » (CAHLR) créé par le Comité des Ministres européens, est sans ambiguïté : « cet effort de promotion doit comporter une action en faveur de la possibilité d'employer librement, tant oralement que par écrit, les langues régionales ou minoritaires, non seulement dans la vie privée et dans les relations individuelles, mais aussi dans la vie collective, c'est-à-dire dans le cadre des institutions, des activités sociales et dans la vie économique. » Ainsi, et la France ne pourrait s'y soustraire si elle ratifiait la Charte, tous les justiciables et tous les administrés seraient-ils en droit d'exiger d'être entendus, et d'obtenir réponses, dans une langue régionale. Autrement dit, on en reviendrait à la situation antérieure à l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539. Depuis cette date, par unification progressive, la langue française a fait la nation. La Charte européenne, en redonnant aux langues régionales la place qu'elles occupaient auparavant, vise à la détruire.

Et ce n'est pas jouer les Cassandre que d'affirmer que cette marche à reculons ne s'arrêtera pas aux seules langues régionales ou minoritaires. Certes, la Charte exclut [article 1] les langues des migrants de son champ d'application. Mais ce n'est que partie remise, car, comme le Rapport explicatif le précise, le « CAHLR a estimé que ce problème valait d'être traité séparément, le cas échéant dans un instrument juridique spécifique. » Une fois la Charte ratifiée, on passera des langues régionales à celles des migrants. Et comment pourrait-on refuser aux Portugais, aux Arabes, aux Turcs, ou aux Chinois ce qu'on a accepté pour les Bretons, les Basques et les Alsaciens ? Après avoir renvoyé les uns à leur « identité régionale » supposée, on enfermera ainsi les seconds dans leur identité originelle, au lieu de faciliter leur assimilation à leur nouvelle patrie. Voilà qui d'ailleurs éclaire la position du militant communautariste Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP, favorable à l'amendement Warsmann.

Au surplus, et cela n'est pas le moins inquiétant, la Charte précise de manière la plus nette, que les langues régionales ou minoritaires en question définissent des « groupes » au sein de la nation, distincts « d'autres groupes du même État pratiquant des langues différentes. » [article 7, alinéa 1, paragraphe « e »). Ainsi, la France serait-elle, désormais, composée non plus de citoyens libres et égaux en droit, mais d'une mosaïque de « groupes » ethniques disposant de leur langue et d'une assise territoriale, entretenant des relations entre eux et avec d'autres groupes, par delà les frontières nationales.

Bref, derrière la défense des langues régionales ou minoritaires se cache une conception de la citoyenneté contraire à celle adoptée par la France depuis 1791. Tout cela ayant comme but ultime la destruction de l'État-nation pour rétablir une France d'Ancien Régime, « agrégat inconstitué de peuples désunis », selon la belle formule de Mirabeau, afin d'imposer une Europe des Volksgruppen. Est-ce bien cela que veulent tous les parlementaires qui ont voté l'amendement Warsmann ? "

Daniel Lefeuvre, professeur d'histoire contemporaine, Université Paris VIII-Saint-Denis.

Posté par canard républicain sur 28/06/2008 dans Histoire, Politique
http://sauvonslademocratie.neufblog.com/le_canard_republicain/2008/06/langues-rgional.html

samedi 5 juillet 2008

La vague occitane

L’Aquitaine est sans doute la région de France où le militantisme linguistique est le plus fort et le plus structuré. Le lobby occitan, car c’est bien de cela dont il s’agit, se rassemble notamment autour d’association telles « l’Institut d’études occitanes », « l’Association internationale d’études occitanes », d’un parti autonomiste : le Parti occitan (qui ne néglige cependant aucune alliance à gauche afin d’avoir des élus) et de personnalités bien implantées localement : universitaires, journalistes, élus.

Ses objectifs : la reconnaissance, l’enseignement et l’utilisation de la langue occitane dans les écoles, (y compris dans les crèches, voir ci-dessous), dans les comptes-rendus des institutions publiques locales, sur les panneaux de circulation.

Très actif, très militant, le lobby occitan est grandement aidé dans sa tâche par un certain nombre de mesures politiques européennes et nationales qui font bon marché des langues officielles. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, notamment sur le rôle de l’Allemagne et de sa vision d’une Europe fédérale, dont le modèle est fondé sur une union des Régions et un affaiblissement des Etats nations. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les positions de nos élus nationaux, enclins à toutes les concessions démagogiques pour s’attirer les voix des régionalistes. A ce sujet, la dernière sortie de Madame Albanel, soit disant ministre de la (sous)culture française se passe de tout commentaire :

« La transmission des langues régionales s’appuie sur l’école, sur les médias et sur la création artistique. Pour autant, leur vitalité ne peut durer que si elles sont employées dans la vie quotidienne. À ce titre, leur usage dans l’espace public ne doit pas être négligé. La législation actuelle, bien que contraignante, leur offre une large visibilité – et toutes les possibilités ne sont pas pleinement exploitées. Ainsi, les actes officiels des collectivités territoriales peuvent être publiés en langue régionale – pourvu qu’ils soient traduits du français, seule langue ayant valeur juridique. De même, il est parfaitement légitime que les communes affichent leur toponyme en deux langues à l’entrée et à la sortie de leur territoire, ou que la signalisation routière soit bilingue."
"Je rappelle qu’aucune disposition n’interdit à une collectivité locale de traduire ses propres délibérations."

Elle ouvre une fenêtre de tir dans laquelle se sont placés illico les membres du Parti occitan, demandant à leurs élus locaux d’obéir à une personne aussi bien disposée à satisfaire leurs moindres désirs voire même à les anticiper.

Ainsi le complexe d’infériorité que traînaient comme un boulet nos Occitans, face au mépris du parisianisme mondain et à la langue d’oïl triomphante, s’est peu à peu transmué en agressivité et, maintenant que le sort paraît leur être favorable : l’ennemi d’hier se couchant à leurs pieds, en attitude totalitaire face à ceux qui, chez eux, résistent encore à la vague déferlante de la langue d’oc.

Je pense à cette crèche bilingue, que les plus absolutistes d’entre eux veulent mettre en place dans la vallée d’Ossau, contre vents et marées et surtout contre des parents minoritaires dont les droits sont bafoués d’un revers de mains par le président de l’Institut d’études occitanes: « Si la société civile veut une crèche bilingue, elle l’aura ». (1) Voilà comment s’instaure, dans un pays qui symbolisa jadis la résistance à l’oppression, un déni de démocratie, un mépris des faibles. Maltraitée autrefois, la minorité occitane, devenue ici ou là majoritaire, adopte les attitudes de la dictature. A méditer.

S Chapus

(1) Voir la vidéo de l’émission « Punt de Vista « du dimanche 8 juin sur FR3 Aquitaine
http://jt.france3.fr/regions/popup-test.php?id=bordeaux_puntdevista&video_number=1

mercredi 25 juin 2008

Déclaration de l'Académie française du 12 juin 2008

(Cette déclaration a été votée à l'unanimité par les membres de l'Académie française dans sa séance du 12 juin 2008).

Depuis plus de cinq siècles, la langue française a forgé la France. Par un juste retour, notre Constitution a, dans son article 2, reconnu cette évidence : « La langue de la République est le français ».Or, le 22 mai dernier, les députés ont voté un texte dont les conséquences portent atteinte à l’identité nationale. Ils ont souhaité que soit ajoutée dans la Constitution, à l’article 1er, dont la première phrase commence par les mots : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », une phrase terminale : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine ».Les langues régionales appartiennent à notre patrimoine culturel et social. Qui en doute ? Elles expriment des réalités et des sensibilités qui participent à la richesse de notre Nation.

Mais pourquoi cette apparition soudaine dans la Constitution ?Le droit ne décrit pas, il engage. Surtout lorsqu’il s’agit du droit des droits, la Constitution.Au surplus, il nous paraît que placer les langues régionales de France avant la langue de la République est un défi à la simple logique, un déni de la République, une confusion du principe constitutif de la Nation et de l’objet d'une politique.Les conséquences du texte voté par l'Assemblée sont graves. Elles mettent en cause, notamment, l’accès égal de tous à l'Administration et à la Justice. L'Académie française, qui a reçu le mandat de veiller à la langue française dans son usage et son rayonnement, en appelle à la Représentation nationale. Elle demande le retrait de ce texte dont les excellentes intentions peuvent et doivent s'exprimer ailleurs, mais qui n'a pas sa place dans la Constitution.